Sophie Scholl et la Rose blanche, un symbole féminin de la résistance allemande

par | 29 Sep 20 | Femmes dans la guerre, Figures historiques

Sophie Scholl et son frère Hans avec leur ami Christopher en 1942

Le 22 février 1943, trois étudiants allemands de l’Université de Munich sont exécutés. Ils sont accusés d’actes de haute trahison et de propagande subversive pour avoir distribué à plusieurs reprises des tracts. Parmi eux, Sophie Scholl, une jeune femme d’à peine 20 ans, va devenir un symbole de résistance et de courage face à la folie meurtrière d’Hitler.

A l’origine de la « Rose Blanche »

Munich, 1942. Dans cette ville, berceau du national-socialisme, et dont le passé réactionnaire n’est plus à prouver, un petit groupe de résistants allemands va se former. C’est à travers un désir incontrôlable de s’ériger contre le totalitarisme que naît la « Rose Blanche ».

Sophie Scholl et son frère Hans embrigadés dans les Jeunesses Hitlériennes

Deux des membres du groupe sont issus d’une fratrie. Hans et Sophie Scholl vivent une enfance relativement banale. Embrigadés dans les Jeunesses Hitlériennes, comme une grande partie des enfants allemands, ils se détachent rapidement de l’idéologie nazie. Cela s’explique par leur éducation profondément religieuse, opposée en tous points aux doctrines prônées par Hitler. Pendant que Hans commence à étudier la médecine à l’Université de Munich, Sophie devient garde d’enfants. Entre 1940 et 1941, elle effectue un service de travail et un service auxiliaire, imposés par le régime à tous les jeunes gens du pays. Elle entame ensuite, à partir de 1942, des études de biologie et de philosophie à l’Université de Munich, où elle rejoint son frère.

Jungmädelbund, branche des jeunesses hitlériennes (image wikipedia)

Les deux étudiants sont témoins d’atrocités insupportables

Au début de l’été 1942, Hans Scholl et Alexander Schmorell, l’un de ses amis, sont envoyés sur le front de l’Est comme infirmiers au service de la Wehrmacht, en qualité d’étudiants en médecine. Les atrocités du front –ils assistent aux traitements infligés aux juifs et aux prisonniers soviétiques – vont les marquer à jamais. De retour à Munich, ils commencent à rédiger des tracts et à se faire connaître sous le nom de la « Rose Blanche ». Ils rédigent ainsi les quatre premiers tracts et les envoient par la poste à des intellectuels munichois (des écrivains, des professeurs, des médecins…etc.). Ces derniers ont pour mission de les reproduire et de les faire circuler auprès du plus grand nombre.

L’université de Munich en émoi

Au fil du temps, différentes personnes se greffent au duo. Kurt Huber, leur professeur de philosophie à l’Université, Sophie Scholl, la sœur de Hans, ainsi que Willi Graf et Christoph Probst, étudiants en médecine,  ne tardent pas à les rejoindre. Ensemble, ils forment le noyau dur du groupe, autour duquel gravitent différents interlocuteurs et sympathisants. Ils rédigent ensemble les cinquième et sixième tracts.

« Etudiants ! Etudiantes ! Le peuple allemand a les yeux fixés sur nous ! Il attend de nous […] le renversement de la terreur nazie. […] Les morts de Stalingrad nous implorent ! Nous nous dressons contre l’asservissement de l’Europe par le National-Socialisme, dans une affirmation nouvelle de liberté et d’honneur ! »

Extrait du sixième et dernier tract de la « Rose blanche ».

Plaque commémorative Hans et sophie scholl a munich

Le dernier tract de la « Rose blanche »

La « Rose Blanche » sera l’auteur au total de six tracts. Le sixième et dernier tract est imprimé à plus de 2 000 exemplaires, dans le but d’être distribué par la poste durant l’hiver 1942-43. Celui-ci commente la défaite de l’armée du Troisième Reich à Stalingrad. Plus encore, il est un appel à une prise de conscience collective, il invite la jeunesse du pays à se mobiliser. De plus en plus de grandes villes allemandes et autrichiennes sont touchées par les revendications du groupe : Stuttgart, Francfort, Vienne, et même Berlin.

Le 18 février 1943, le groupe est encore en possession de quelques tracts qui n’ont pas été envoyés par la poste. Hans et Sophie Scholl décident de les emmener à l’Université afin de les distribuer. Avant de partir, dans un élan incontrôlé, Sophie lance une volée de tracts au-dessus du hall de l’Université. Le concierge est témoin de ce geste et les dénonce à la Gestapo. Ils sont arrêtés et emprisonnés à la prison de Stadelheim où ils sont longuement interrogés.

22 février 1943, un procès expéditif

Après différents interrogatoires houleux, le Tribunal du peuple chargé des crimes politiques se réunit pour un procès le 22 février 1943. Présidé par Roland Freisler, ancien communiste devenu l’un des plus brutaux chefs nazi, le procès ne dure que trois heures. Freisler prononce lui-même la condamnation à mort des trois jeunes étudiants, pour haute trahison, propagande subversive, complicité avec l’ennemi et démoralisation des forces militaires.

Affaiblie par les longues heures d’interrogatoires, et avec une jambe cassée suite à l’un d’entre eux, Sophie Scholl fait face à Roland Freisler avec un courage indescriptible. Le jour même, seulement quelques heures après l’annonce de la sentence – et cela malgré la législation allemande qui prévoit un délai de 99 jours avant l’exécution d’un condamné -, Hans Scholl, Sophie Scholl et Christoph Probst sont exécutés par décapitation.

Sophie et Hans Scholl Images prise par la gestapo - archives federales allemandes

Quelques mois plus tard, un second procès condamne à mort Kurt Huber, Alexander Schmorell et Willi Graf. De nombreux autres membres de la « Rose Blanche » (des amis des Scholl, des étudiants qui leur sont venus en aide, des sympathisants…etc) seront envoyés dans les camps de concentration pour complicité, et y perdront souvent la vie.

Les autres femmes de la résistance en Allemagne

Sophie Scholl est loin d’être la seule femme allemande à s’engager contre le national-socialisme d’Hitler. Au sein de la « Rose Blanche », plusieurs jeunes femmes, amies ou proches ont rejoint les principaux membres. Parmi elles, Traute Lafrenz, amie de Hans Scholl et Christoph Probst, participe à la distribution de tracts dans la ville de Hambourg notamment. Elle est arrêtée à deux reprises par la Gestapo et est emprisonnée pendant quelques temps.

D’autres groupes de résistants comme le « Cercle de Kreisau » ou l’ « Orchestre Rouge », vont compter des femmes parmi leurs rangs. Actif de 1938 à 1944, le « Cercle de Kreisau » est créé par Helmuth James von Moltke, dont la femme Freya von Moltke va être largement impliquée. Son mari est condamné pour trahison et exécuté, mais elle parvient à s’échapper. L’ « Orchestre Rouge » est le nom donné à plusieurs groupes dont le point commun était d’être en contact avec l’Union soviétique. Mildred Harnack en fera partie, mais sera exécutée aux côtés de son époux, elle aussi pour actes de trahison. Le sort sera le même pour une autre femme affiliée à l’ « Orchestre Rouge », Libertas Schulze-Boysen.

Ces dernières ne sont qu’un bref exemple de toutes les femmes qui se sont engagées en Allemagne et dans le monde dans une lutte acharnée contre l’oppression et la barbarie nazie. Sophie Scholl, par sa jeunesse et sa bravoure, s’impose comme un symbole de cette lutte qui a vu beaucoup de ses héros s’éteindre. Malgré son existence relativement courte – à peine un an -, la « Rose Blanche » reste une image forte de la bataille menée par de jeunes gens pour leur liberté et celle de leur pays.

Femme dans la résistance allemande allemande Freya von Moltke dans sa véranda en 1932

Freya Von Moltke

Femme dans la résistance allemande Libertas Schulze Boysen

Liberta Schulze-Boysen

Femme dans la résistance allemande Traute Lafrenz

Traute Lafrenz

Pour en savoir plus sur Sophie Scholl

  • Le livre jeunesse « Mon amie Sophie Scholl » écrit par Paule Du Bouchet
  • Le livre de Inge Scholl – La Rose Blanche « Six allemands contre le nazisme » aux éditions de Minuit
  • « Sophie Scholl : Les derniers jours » film réalisé par Marc Rothemund en 2005 – Critique à lire ici

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