Le 17 juin 1940, dans la Manche…
A Saint-Sauveur de Pierrepont début 1940, on vit loin du front. Une drôle de guerre, que les anciens de 14 ont du mal a accepter. « Où sont les Boches qu’on les attaque !? » Mais à l’approche de l’été, le 17 juin 1940, la guerre change de visage et le paisible petit village « écrasé » par Rommel, deviendra un symbole des combats de 1940 dans la Manche.
La drôle de guerre…
Saint-Sauveur de Pierrepont était avant-guerre un paisible village que rien ne destinait à devenir un symbole des combats de 1940 dans la Manche. Surplombant les marais, la petite bourgade se situait à la sortie de la Haye-du-Puits, sur la route des Pieux et de Cherbourg. Les hommes étaient partis à la guerre dès septembre 39, comme partout dans le pays, appelés par la mobilisation générale. Pendant des mois, on n’avait guère entendu parler du « front » vu qu’il ne s’y passait pas grand’chose, hormis quelques coups de main. Les vieux de 14 grommelaient dans leurs moustaches, estimant que ce n’était plus comme de leur temps, qu’à leur époque, « …on attaquait les Boches tous les jours… ». Mais rien n’y faisait, c’était la « Drôle de guerre », autrement dit une période où les deux camps s’observaient, se faisaient face sans envisager d’offensive, dans l’attente d’une meilleure mobilisation industrielle qui donnerait l’avantage. A Saint-Sauveur-de-Pierrepont, on est alors loin du front, les préoccupations sont toutes autres. Régulièrement, les mobilisés de la commune écrivent que, là où ils sont, « …il ne se passe rien… ».
1940, La « Blitzkrieg » et la débâcle
La situation est bouleversée à compter du printemps 1940, lorsqu’Hitler lance ses divisions blindées et parachutistes à la conquête des pays scandinaves. A compter du 10 mai, ses troupes envahissent les Pays-Bas, la Belgique et traversent les Ardennes vers le nord de la France. Surprise par une manière de faire la guerre inédite, basée sur la « Blitzkrieg » (offensive éclair), l’armée française doit battre en retraite, après de sévères combats. Tous les jours, les soldats français sont mitraillés sans répit par l’aviation allemande, ils doivent parcourir des kilomètres à pied, avec les blindés ennemis sur leurs talons. Parfois, d’héroïques combats d’arrière-garde ont lieu, de la Belgique à Dunkerque en passant par la Meuse ou les bords de Loire, mais partout, une impression domine. C’est la débâcle.
Mai 1940, l’inquiétude puis l’espoir
Le 27 mai, la Préfecture de la Manche annonce que le département est désormais inclus dans la zone des armées, donc susceptible de connaître des opérations militaires d’envergure. Pourtant, jusqu’au début juin, Saint-Sauveur-de-Pierrepont vit finalement loin de la guerre, qu’elle suit par les journaux et la radio. On n’a toutefois plus guère de nouvelles des soldats, le courrier est plus irrégulier. La région de Cherbourg devient la cible des bombardiers allemands et les alertes s’y multiplient, comme les tirs de DCA. Le 9 juin, on apprend que les Allemands sont à Rouen. Inexorablement, la guerre se rapproche. Les colonnes de réfugiés qui traversent la Manche colportent les nouvelles les plus improbables, aggravant l’angoisse. Mais le moral revient bientôt à Saint-Sauveur-de-Pierrepont à la vue des nombreux convois anglais qui passent le bourg et filent vers Cherbourg.
Le courage des défenseurs face à Rommel
Tout change le 17 juin ! Deux colonnes blindées allemandes, venues de l’Orne par Vire, traversent le sud du département, l’une prenant la direction de Saint-Lô puis Carentan, l’autre passant par Gavray et Coutances. Ce sont les unités avancées de la 7ème division blindée, commandée par un jeune général audacieux, Erwin Rommel. Hitler lui a assigné un objectif clair, prendre Cherbourg, ce qu’il entend bien faire le plus rapidement possible.
Le 17 juin 1940, alors que tout semble perdu, que partout on entend « …la guerre est finie, c’est Pétain qui l’a dit… », une poignée de soldats irréductibles s’accroche encore aux lignes de défense, dans le Cotentin. Ce sont des marins, des artilleurs, des tirailleurs sénégalais, des fantassins plus ou moins âgés que le destin a placé là, sur la ligne de défense établie à la hâte le long des marais du Cotentin. Equipés de quelques canons, d’un matériel parfois datant de l’autre guerre, ils doivent à eux seuls, arrêter les Panzer de Rommel, pour permettre le rembarquement des troupes anglaises qui affluent dans Cherbourg ainsi que des forces françaises et de toutes les administrations essentielles.
Les premiers combats se déroulent au nord de la Haye-du-Puits, au soir du 17 juin. Après une traversée de la Manche sans résistance, les troupes de Rommel sont immobilisées sur la route de Cherbourg, à Denneville. La nuit tombe, les Allemands décident de ne pas prolonger l’engagement mais à l’aube, l’artillerie se déchaîne et réduit au silence la position défensive française. L’unité française résiste mais elle déplore de nombreux tués et blessés et finalement doit se replier. Les Allemands prennent la position et continuent leur marche en avant.
Rommel à Barneville – Photo Bundesarchiv Bild 101I-296-1982-04A
Une lutte inégale et la victoire de Rommel
A quelques kilomètres, un autre point d’appui français connaît sensiblement le même sort, c’est celui qui s’est installé à Saint-Sauveur-de-Pierrepont. Equipée de deux canons, la position commandée par l’ingénieur du Génie maritime Ramas a pour mission de ralentir les Allemands le plus longtemps possible. Acceptant le sacrifice, ces hommes luttent à un contre dix, surclassés par la puissance mécanique allemande. En quelques minutes, les pièces d’artillerie sont détruites, les servants blessés se replient, comme les fantassins et les Sénégalais qui combattaient à leurs côtés. Le chef de position est tué ainsi que deux marins, de nombreux blessés gisent sur le champ de bataille, labouré par les obus allemands. Le dernier verrou ayant cédé, Rommel peut se ruer sur Cherbourg.
Sur la côte ouest, près de Carentan, des combats retardateurs ont également lieu, mais ne parviennent pas à enrayer l’avancée des Panzer bien longtemps. La bataille pour Cherbourg débute alors, elle s’achève au 19 juin. Rommel tient enfin sa victoire…
Des années plus tard, les terres de la Manche seront à nouveau le théatre de terribles combats entre les Allemands et les Alliés. Après le débarquement de Normandie aura lieu la Bataille des haies qui fera de nombreuses victimes parmi les combattants et les civils. Une bataille qui rouvrira les portes de la Liberté pour la France et pour l’Europe. Le Normandy Victory Museum de Carentan, vous raconte la bataille des haies et rend hommage à toutes ses victimes.
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